

En ce qui concerne le timbre, la clarinette, le basson et le hautbois anciens
possèdent des sonorités hétérogènes comparables à celles du cor (le corniste
doit enfoncer la main dans l’instrument pour produire toutes les notes de
la gamme, mais il en résulte une différence entre des notes « ouvertes » et
« bouchées »).
Cette absence générale d’homogénéité est utilisée par le compositeur de
façon particulièrement lucide et ingénieuse. La diversité des sonorités
devient un moyen pour colorer le discours, aussi bien dans l’harmonie que
dans la mélodie. Elle permet de retrouver une articulation comparable à celle
de la parole, et au chant par voie d’extension, entre les voyelles ouvertes et
les voyelles fermées. Dès lors que l’on interprète les phrases musicales sur
ces instruments, l’alternance de sonorités différentes révèle sa logique et
découvre une sorte de phrasé naturel des instruments, chez un compositeur
qui fait des contrastes un fondement de sa dramaturgie musicale.
De la sorte, la technique de jeu sur les instruments du dix-huitième siècle,
pour être différente et autrement exigeante que la technique romantique,
ne saurait apparaître comme plus archaïque que celle-ci ; elle correspond
à une autre esthétique. En conformité avec la conception de cette époque,
particulièrement vive chez Mozart, l’instrument cherche à imiter la voix
humaine, à rivaliser et nouer un dialogue avec elle, comme les solos
d’instruments obligés accompagnent le chanteur et rivalisent avec lui dans
les airs d’opéra et de concert. L’instrument à vent se rapproche de la voix dans
sa nature même, qui fait intervenir le souffle et la respiration. Le timbre et
l’articulation accentuent ici l’humanité et l’individualité de l’instrument dans
une recherche en commun de la sonorité sublimée.
ŒUVRES POUR INSTRUMENTS À VENT 37