

NICOLAS DAUTRICOURT & JUHO POHJONEN 11
Dans quelle mesure le renouveau de l’interprétation baroque a-t-il
modifié votre conception de la musique de Bach ?
J.P. :
La musique baroque représente, pour moi, un univers d’abondance, et une
forme de générosité en termes d’idées. Sur un clavecin, on joue de l’ornementation,
mais sur un piano moderne, ce sont de petites nuances subtiles qui offrent un
enrichissement supplémentaire à une musique structurellement ardue. Le travail
le plus stimulant, sur un piano moderne, concerne quelques mouvements avec la
notation de la basse (à la ligne correspondant aux basses, sont notés des nombres
indiquant les cordes grâce auxquels s’élabore un accompagnement improvisé).
C’est le cas notamment du superbe et obsédant
aria
, Cantabile, ma un pocoAdagio,
d’une version antérieure de la
Sixième Sonate
, que nous avons tenu à enregistrer
également.
Quelles sont les limites que vous vous êtes imposées dans votre
interprétation ?
N.D. :
Les limites sont celles du bon goût et mon but est de trouver le point
d’équilibre entre le contrôle, la ligne de chant et le lâcher prise : c’est pour moi le
secret de l’interprétation. C’est ce que je recherche, y compris, lorsque j’improvise
sur un standard de jazz. Dans le cas des sonates de Bach, il est impératif d’éviter
toute surcharge, toute emphase. Cette musique n’a pas besoin d’être soutenue.