

11
PHILIPPE BIANCONI
Œuvre paradoxale que ce
Carnaval
, à la fois extrêmement « cryptée » et
pourtant parmi les plus accessibles du compositeur ...
Je me plais à imaginer que Schumann s’est beaucoup amusé à écrire cette œuvre,
très cryptée en effet, truffée de sous-entendus, mais qui compte en effet désormais
parmi les plus populaires de son auteur.
La variété des climats et des humeurs au sein d’une grande structure y est
absolument incroyable et l’on passe très rapidement de l’un à l’autre – ce qui, au
tout début, a pu dérouter un peu le public.
Sous-titré
Scènes mignonnes sur quatre notes
, le
Carnaval
est donc bâti à partir
des lettres ASCH (nom du village natal d’Ernestine von Fricken, jeune fille dont
Schumann était amoureux), qui en allemand correspondent à
la, mi bémol, do, si
.
À partir de ces notes, Schumann s’autorise diverses combinaisons qui donnent
naissance à toutes les pièces (à l’exceptionde trois), enune conception très originale
de la variation.
Scènes mignonnes sur quatre notes
? Lorsque débute le
Carnaval
, on ne
sait pas de quelles notes il s’agit. Il faut attendre la fin de la huitième pièce,
Réplique
,
pour découvrir les fameuses
Sphinxes
, des notes en valeurs très longues dans le
grave du clavier...
Pour quelle solution optez-vous s’agissant de ces
Sphinxes
?
Je ne les joue pas. Ce qui veut évidemment dire que l’auditeur est tenu à l’écart,
mais ça fait à mon sens partie du jeu schumannien - une chose mystérieuse qui est
donnée à l’interprète mais pas au public. Je sais que de grands pianistes ont décidé
de jouer les
Sphinxes
. Je suis pour ma part convaincu qu’il ne faut pas les jouer; je ne
prétends pas avoir raison mais telle est en tout cas mon intime conviction.