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MICHEL BOUVARD & FRANÇOIS ESPINASSE
C’est toujours l’orchestre qui est à la source de l’ébouriffant finale du Concerto en ut
mineur BWV 1060 qui nous est parvenu dans la version pour deux clavecins. Rien
n’exclut cependant que la forme première ait pu être conçue pour deux violons,
tandis que cette page est également souvent reconstituée avec violon et hautbois.
Bach effectuait en tout état de cause le transfert de ce matériau aux claviers par
l’affectation des deux lignes mélodiques instrumentales aux mains droites des
clavecins. L’adaptation imaginée en l’occurrence par André Isoir est très différente
du traitement qu’il a réservé auxœuvres concertantes précédentes, pour privilégier
la formule du trio qui constitue un genre parmi les plus caractéristiques de l’écriture
d’orgue. Le potentiel de trois plans sonores distincts sur deux claviers et pédalier,
avec les possibilités ainsi ouvertes de croisement des voix solistes, est en effet de
nature à restituer un discours complexe par un seul interprète. C’est ici le cas avec
une habile répartition alternée des lignes mélodiques de la main droite des deux
clavecins et de leur contrepoint entre les deux claviers de l’orgue, appuyée sur la
ligne de basse à la pédale, parfois allégée pour en permettre l’exécution requérant
cependant encore une virtuosité exigeante. Le souvenir des origines de ce concerto,
peut-être pour deux violons, rapproche de fait toute cette démarche de celle de
Bach explorant, comme ce sera notamment le cas dans ses six sonates, les riches
possibilités du trio à l’orgue.