

La composition des Sérénades s’inscrit dans une perspective
opportuniste du jeune compositeur ambitieux qui tente de s’imposer à
la Cour en suivant au plus près la mode musicale, mais elle ne saurait
s’y réduire pour autant. Elle correspond, plus profondément, à une
rencontre de Mozart avec des formations d’harmonie, et surtout avec des
virtuoses exceptionnels, qui lui ouvrent des possibilités musicales nouvelles.
L’une des caractéristiques les plus remarquables des Sérénades est la profonde
assimilation par Mozart du langage et de la technique des instruments,
comme s’il était lui-même interprète (ce qui n’est d’ailleurs pas exclu). Il écrit
en collaboration très étroite avec les destinataires de ses compositions.Anton
Stadler a une influence particulière sur l’écriture du compositeur : de cette
rencontre, et même de cette fraternité au sens musical et spirituel - entre le
plus grand compositeur et le plus grand clarinettiste de cette époque - sont
nés les Concertos pour clarinette, tels solos des opéras, et peut-être la
Sérénade
KV375
, que les frères Stadler ont pu interpréter avant leur engagement dans
l’Harmonie impériale. Le génie deMozart consistemoins à inventer un langage
nouveau imposé à l’instrument et à l’interprète, qu’à se faire le « secrétaire » de
ceux-ci, dans une symbiose parfaite que reflète la plasticité de la composition.
En apparence, les instruments de l’époque deMozart pourraient paraître plus
limités que ceux d’aujourd’hui. Le système des clés étant beaucoup moins
développé, les sons sont plus difficiles à produire (le hautbois, par exemple,
utilise seulement deux clés). L’intonation est délicate, le timbre n’est pas
aussi éclatant, ni aussi homogène. Mais le génie du compositeur consiste
précisément à accepter et utiliser ces limites des instruments, pour en faire
des éléments à part entière de la composition et la source d’une émotion
musicale spécifique.
SÉRÉNADES KV375 & 388 17