

Écrire pour les instruments à vent était aussi pour Mozart l’occasion d’écrire
pour des instruments dont il appréciait particulièrement le timbre et le
caractère, comme le prouvent toutes les compositions ultérieures, que ce
soient les concertos pour piano, les symphonies ou les opéras, où les vents
ont toujours des interventions solistes privilégiées.
C’était en même temps, pour le compositeur, l’occasion d’expérimenter sur
des sonorités et des techniques tout à fait nouvelles, à une époque où la
facture des instruments à vent était encore en plein développement. Mozart
adopte une
technologie
musicale entièrement nouvelle consistant à associer
les timbres hétérogènes du hautbois, du cor et du basson, qui pouvait offrir
des contrastes, des sonorités nouvelles, une « harmonie » au sens propre. Le
terme d’
harmonie
pour désigner les ensembles d’instruments à vent provient
bien de cette faculté originelle à un assemblage particulièrement plaisant des
couleurs instrumentales indépendamment de la science des accords : il s’agit
bien d’un jeu avec les timbres.
C’est pourquoi il est important d’écouter cette musique de Mozart sur les
instruments de son époque, dont les apparentes imperfections sont sources
de jouissances acoustiques supplémentaires. Le caractère très hétérogène
des différentes sonorités produites par les instruments anciens instaure
une forme de déséquilibre dans les timbres et les dynamiques dont Mozart
sait jouer avec la plus grande science : l’inégalité dans le phrasé et dans les
dynamiques devient la source d’une plus grande richesse, de contrastes
plus vifs, de contours plus marqués, de couleurs plus variées. Il s’agit d’une
dramaturgie plus intense où les particularités de l’instrument, comme on
parlerait des
particularités
d’une voix ou d’un individu, deviennent en elles-
mêmes, par opposition au jeu sur un instrument moderne standardisé, les
sources d’une émotion singulière et d’une forme d’interprétation naturelle.
ŒUVRES POUR INSTRUMENTS À VENT 11