

PASCAL AMOYEL 7
Existe-t-il une dimension religieuse ou spirituelle dans l’œuvre
d’Alkan ?
Oui, sa trajectoire est d’ailleurs assez proche de celle de Liszt. Le jeune Alkan est
joyeux, remarquable pianiste de salon où il est admiré de tous. On ne sait pas
vraiment pourquoi un jour il va s’arrêter de jouer, se murer dans le silence, se retirer
de la vie musicale. On le dit misanthrope, il traduit chaque jour des versets de la
bible. Il y a chez Alkan une réelle dichotomie entre son univers et la société.
C’est aussi un grand romantique, il y a dans sa démarche de
créateur une tentative d’englober l’absolu...
Oui, il est romantique par bien des aspects, fasciné par le fantastique, par les
œuvres du passé, par la métaphysique, par la nature. On trouve tous ces éléments
dans sa
Grande Sonate
pour piano : l’inspiration faustienne, la réflexion sur lamort, la
rigueur formelle. Dans cetteœuvre, on commence dans la jubilation pour aller vers
le néant, avec des tempi de plus en plus lent à chaque mouvement qui traduisent
les 4 âges de la vie : 20 ans, 30 ans, 40 ans et 50 ans. Le dernier mouvement,
méditation désespérée qui regarde vers Beethoven, inspiré par le Prométhée
d’Eschyle, est unique car il propose une véritable lecture musicale de la mort. Il n’y
a pas, comme chez Liszt, de salvation. On a parfois écrit que ce mouvement aurait
pu être inspiré par la détresse de Job, cherchant la lumière mais ne trouvant que
l’obscurité. Alkan, qui aspirait à une musique liturgique juive, regrettait d’ailleurs
vers la fin de sa vie de n’avoir mis toute la bible en musique ; il va en tout cas très
loin dans l’écriture musicale, dans une sorte de quête perpétuelle du sens, ou de
l’essence, explorant les frontières de l’harmonie et du son.
Le silence est également très important dans samusique ; en ce sens il estmystique.
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