

6 CHARLES-VALENTINALKAN
La légende dit que l’œuvre d’Alkan est redoutable de virtuosité,
est-ce vrai ?
Oui c’est vrai. Et les difficultés que l’on rencontre avec son œuvre sont de tous
ordres. Il y a d’abord la virtuosité digitale, jamais gratuite, toujours vertigineuse,
avec beaucoup d’écarts, de déplacements gigantesques, de traits extrêmement
rapides.
C’est aussi une œuvre qui demande souvent une grande endurance mentale et
physique. Son écriture musicale varie constamment, les répétitions ne sont jamais
identiques et il y a de nombreuses superpositions de thèmes. Même si Alkan n’a
pratiquement écrit que pour le piano, sa vision du piano dépasse largement le
simple cadre de l’instrument. Il a d’ailleurs écrit une symphonie pour piano, un
concerto pour piano solo.
Il faut préciser aussi qu’il existe chez Alkan une virtuosité de la notation musicale.
Parfois, certaines choses semblent injouables tant il y a d’indications sur la
partition.Tout commeBeethoven,Alkan estméticuleux, presquemaniaque. Il note
chaque tempo, précise les accélérés, insère énormément de citations, ses œuvres
abondent de notes, les armures sont souvent très lourdes, les doigtés parfois
improbables toujours en relation avec l’intention musicale, les tessitures vastes
et extrêmes entre l’aigu et les graves. Sa vision du piano est quasi symphonique.
Alkan cherche des effets sonores orchestraux et même inouïs. Il est d’ailleurs
ardu et tout à fait fascinant de chercher à retrouver l’équilibre des pianos Érard
sur instrument moderne, qui traduisent naturellement avec clarté les tessitures
extrêmes simultanées si chères au compositeur.