

Comment le langage pianistique évolue-t-il entre les deux Livres
des
Préludes
?
P. B.
: Ce qui est passionnant chezDebussy, ce sont les résonances que l’on découvre
entre les oeuvres. J’ai déjà parlé de la 2
e
Série des
Images
, tellement importante pour
moi, et de sonprolongement dans le Livre II des
Préludes
. UnpréludeduLivre I tel que
l’extraordinaire
Voiles
aurait pu trouver sa place dans le Livre II, mais globalement le
Livre I - écrit sur deux portées, à la différence du Livre II presque intégralement sur
trois portées – présente une écriture plus“simple“, avec aussi quelquesmoments de
grande virtuosité (
Ce qu’a vu le vent d’ouest
). Dans le 2
ème
Livre, Debussy porte encore
plus loin, d’un point de vue pianistique, ce qu’il a initié dans la 2
ème
Série d’
Images
,
en ce qui concerne les timbres, le travail des plans sonores, le rapport entre les
registres. La virtuosité n’y a plus de sens en soi et se révèle constamment d’ordre
poétique.
Les partitions de Debussy comportent de très nombreuses
indications de caractère : comment les considérez-vous ?
P. B.
: Elles sont extrêmement importantes et je m’y attache avec la plus grande
honnêteté. Je tiens compte de la plus petite des indications données par Debussy ;
j’estime qu’elles ne sont pas gratuites, qu’elles nous guident dans la compréhension
du texte musical, la manière d’articuler les diverses périodes d’un même morceau.
Evidemment chacun les interprète à sa manière. Si Debussy note
poco crescendo
,
tout le monde comprend la même chose (un petit crescendo), mais personne
ne fera ce
poco crescendo
de la même façon. Mon respect pour les indications de
Debussy n’a rien de béat, mais je considère qu’elles sont aussi importantes que les
notes dans la compréhension poétique de ce que compositeur exprime.
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