

45
DANA CIOCARLIE
Schumann et la
Sehnsucht
Il existe, dans la langue allemande, des mots intraduisibles en français. Et
ces mots, pour certains, s’appliquent à la musique de Schumann. Ce qui la
rend d’autant plus mystérieuse. Par exemple, le mot «
Sehnsucht
», que l’on
traduit de façon trop réductrice par « nostalgie », « état d’âme ». Je perçois
la
Sehnsucht
comme l’aspiration vers un autre monde inaccessible. Cet élan
qui nous pousse à sortir de nous-mêmes, cette tentative perdue d’avance. S’il
existe une nostalgie dans la
Sehnsucht
, c’est celle de ne pouvoir devenir celui
qu’on voudrait être. C’est la nostalgie d’un alter ego.
Cette tensionentre ces deux parties de lui-même afini par couper totalement
Schumann en deux. Une douleur existentielle qui s’incarne à travers Eusebius
le doux rêveur et Florestan le tempétueux, deux personnages qui hantent
sa musique et ses humeurs au sens de «
Humor
» un autre mot faisant aussi
partie de ce lexique intraduisible…