

Mais tout de même cet écart entre les premiers opus et la
Fantasía baetica
est patent, comment voyez-vous l’irruption des
Cuatro piezas españolas
au
sein de ce corpus ?
On dit souvent qu’elles sont inspirées d’Albéniz, mais l’économie des moyens, le
souci d’un langage précis où tout le superflu est déjà ôté, sont la signature de Falla.
Cela me fait penser au
Tombeau de Dukas
où il écrit avec ce même sens de l’essentiel.
Les
Quatre Pièces
ont beau être des opus de jeunesse, on aura beau y trouver des
influences d’Albéniz ou de Debussy, Falla y pose un des axiomes de son art : dire le
maximum avec le minimum. La sécheresse du trait pianistique, le renoncement
à l’ornement pour l’ornement, tout cela fait que cette manière de composer pour
le piano est définitivement à part, et ce langage doit être dompté. J’ai longtemps
différé le moment de mettre la
Fantasía baetica
sur le pupitre, et lorsque je l’ai lue,
j’ai compris que j’allais me confronter à une langue absolument particulière, propre
à Falla ; on pourrait affirmer que le piano de la
Fantasía baetica
est quasiment sans
référence.
10 MANUEL DE FALLA