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OLIVIER LATRY 13 Le disque se referme sur la Fantaisie et Fugue « Ad nos, ad salutarem undam » qui est aussi l’œuvre la plus ambitieuse – déjà par sa durée – de tout le catalogue pour orgue de Liszt. Saint-Saëns que nous avons évoqué, disait à son sujet, qu’il s’agissait du « morceau le plus extraordinaire qui existe pour orgue »… Tout part du triomphe parisien, en 1849, de l’opéra Le Prophète de Meyerbeer. Une édition présentant simultanément les versions pour orgue, piano-pédalier ou piano à quatre mains paraît en 1852. Alexandre Winterberger assure la création de la pièce en 1855, à l’occasion de l’inauguration de l’orgue de la cathédrale de Merseburg. Par sa dimension et sa structure, l’œuvre est comparable à la Sonate pour piano en Si mineur. Prodigieusement pensée, elle évolue de la tonalité de Do à Fa dièse ( Adagio ), puis de Fa dièse à Do. L’harmonie est, en quelque sorte, wagnérienne « avant l’heure », utilisant notamment l’accord de neuvième diminuée et favorisant ainsi un développement chromatique des plus audacieux. Ce qui me fascine plus encore, c’est l’utilisation du choral des trois anabaptistes de l’opéra (Zacharie, Mathisen et Jonas) dans une partition d’un seul tenant, dans laquelle chaque mesure se révèle thématique. Liszt crée une paraphrase dans la paraphrase et renouvelle le langage de l’orgue avec une liberté totale, alors que la structure n’a rien perdu de sa cohérence. C’est, assurément, l’œuvre qui demande le plus d’investissement et d’imagination en termes de registrations. Le compositeur saisit l’auditeur par les contrastes dynamiques et de tempi, par la rapidité du geste, les artifices théâtraux, l’emploi d’un langage orchestral. Comme Liszt l’avait écrit lui-même dans une lettre, il entend des cloches dans certains passages. Le percussionniste François Garnier m’a prêté son concours pour de ponctuelles apparitions. Après tout, nous étions dans une salle de concert et j’occupais la place du chef d’orchestre…

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