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GEOFFROY COUTEAU ∙ ORCHESTRE NATIONAL DE METZ 7 Pour autant, même si les premiers commentateurs l’ont parfois laissé croire, ce Maestoso n’est nullement une espèce de concerto grosso avec piano ! Glenn Gould parle, dans son article « N’aimez-vous pas Brahms ? », d’une pièce « énigmatique » du fait de « cette lutte de l’imagination – imparfaite, saillante, injectant toute sa vie bouillonnante dans l’œuvre – contre les préceptes de l’exercice classique ». Sous cette apparente gaucherie se révèle l’ambiguïté que soulignera Schoenberg mais que selon lui précisément Brahms transcende. C’est au contraire ce non-conformisme allié à un certain académisme qui fera selon Schoenberg tout le « progressisme » de Brahms. La vie ne se nourrit pas pour eux d’une abolition du passé mais de la sublimation de ses traditions. Dès l’explosion initiale, sorte d’orage originel, avec ses appels furieux de cordes soutenus par les timbales, on entre de plain-pied dans une gigantesque ballade nordique, fresque où la terreur, la puissance sauvage et la tendresse communient dans un même lyrisme fantasque. Véritable « péplum biblique musical » dont les trilles si évocateurs, puissants et telluriques, repris plus tard par le piano (qui font songer à la Sonate pour piano « Hammerklavier » de Beethoven), semblent figurer les appels de Moïse exhortant la mer à s’ouvrir sous ses pieds. L’entrée du piano, longtemps après l’introduction, fait figure d’apparition, tel un sage marchant sereinement sur ces flots déchaînés ; elle tranche radicalement avec ce déluge, comme si elle voulait l’apaiser, avant d’en reprendre les éléments thématiques. Tout au long du mouvement, même dominant, le piano reste intégré à la masse orchestrale, si mouvante, mettant à bas l’affrontement rituel qui prime dans le genre du concerto.
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