LDV90
Les Études de Serguei Liapounov sont encore méconnues, comme l’est sa production musicale en général, y compris celle pour piano qui en occupe la majorité. En dehors de leur formidable difficulté, y voyez-vous une raison particulière ? Seraient-elles une sorte d’îlot isolé dans l’histoire du piano, comme Iberia d’Albéniz, composé juste après elles ? Rappelons pourtant que Busoni ou encore Horowitz les jouaient fréquemment en leur temps… Je me souviens encore de ce mélange d’enthousiasme, d’incompréhension et de révolte que j’avais éprouvé à quatorze ans en découvrant ses Études : comment se pouvait-il qu’une telle musique, si belle, si finement écrite pour le virtuose, et si accessible au mélomane, puisse être aussi méconnue ? Sans doute Liapounov a-t-il fait les frais, comme beaucoup d’autres, d’une certaine vision de l’histoire musicale, qui célèbre avant tout les trouvailles, les innovations, les révolutions techniques, les œuvres qui modifient le cours de cette même histoire. Pour les tenants de cette vision-là, l’œuvre de Liapounov n’existe effectivement pas. Mais le mélomane, le passionné qui, sans souci de contexte et de chronologie, découvre cette œuvre simplement pour ce qu’elle est, pour les beautés qu’elle exalte, ne peut s’expliquer sa disparition autrement que par cette « morne incuriosité » (comme dit Baudelaire) qui, au lieu de célébrer l’immense diversité de notre répertoire pianistique, a fini par le réduire à une vingtaine de compositeurs – dont le génie n’est pas en question, mais qui sont les seuls qu’on ait des chances d’entendre aujourd’hui en concert. FLORIAN NOACK 5
RkJQdWJsaXNoZXIy OTAwOTQx