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DAVID GRIMAL 15 Le pédagogue Ysaÿe a eu de nombreux disciples avec des personnalités très différentes. Peut-on parler d’après vous d’une « école » Ysaÿe ? Nous avons quelques témoignages de son jeu de violoniste mais il n’y a aujourd’hui que trop peu d’enregistrements pour avoir une image complète de son art. Ysaÿe était un musicien et une personnalité charismatique qui a profondément marqué les esprits de tous les violonistes qui ont travaillé avec lui. Plutôt que d’école, je préfèrerais parler de source d’inspiration. De manière intuitive, j’ai le sentiment qu’Ysaÿe est un carrefour plus qu’une source, qu’il a rayonné plus qu’il n’a creusé de sillon. Les grands violonistes ne créent pas forcément « d’école », ils sont des phares qui traversent les générations et inspirent bien au-delà des cadres. On peut naturellement évoquer certains de ses disciples comme Louis Persinger (qui fut notamment professeur des jeunes Yehudi Menuhin, Ruggiero Ricci et Isaac Stern) et Josef Gingold, professeur légendaire de Miriam Fried, Gil Shaham, Leonidas Kavakos, Joshua Bell et de tant d’autres à Bloomington dans l’Indiana. Pour conclure, je voudrais citer les propos de Gingold : « Aujourd’hui [dans les années 1990], les temps ont changé, nous sommes à l’époque des ordinateurs et le niveau de violon n’a jamais été aussi élevé. N’importe quel violoniste dans un orchestre pourrait se lever et jouer le Concerto de Brahms en quatre secondes. Néanmoins, le niveau des grands artistes me semble avoir été bien plus élevé autrefois. Ils avaient une élégance, une expression, des couleurs… c’était un autre monde naturellement… » Gingold évoque les larmes aux yeux quelques notes du Poème de Chausson jouées par Ysaÿe dans un très beau documentaire qu’on peut trouver sur internet. C’était effectivement un autre monde : le violon était le prolongement de l’âme de celui qui en jouait et c’est cela que le public venait écouter.
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