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WILHEM LATCHOUMIA 11 Abordons plus en détail le ballet. Percevez-vous une évolution dans l’écriture des trois opus composés en pleine Seconde Guerre mondiale ? L’écriture est, en effet, évolutive. Le dernier opus (102) est incontestablement le plus dense avec cette page conclusive, Amoroso , sorte de fresque impressionniste qui émerge de la brume et rompt avec le style des pages précédentes. L’opus 97 est davantage concentré sur le bal et les diverses danses. Les pièces y sont plus brèves – bourrée, passepied, etc. –, plus incisives, et le tempérament sarcastique de Prokofiev s’affirme. L’opus 95 est tout entier tendu vers l’épisode fameux de la chaussure, épisode que met en scène la Valse lente . Comment définiriez-vous le piano de Prokofiev sur le plan technique ? Comme étant celui d’un compositeur qui écrit avant tout pour lui-même ! À l’instar de Rachmaninov, par exemple. Ces immenses compositeurs-interprètes ont créé leur propre technique en fonction de la morphologie de leurs mains. Outre les témoignages audio, il existe une vidéo de Prokofiev au piano. Hélas, on ne l’entend pas, mais on peut observer la souplesse prodigieuse de samain gauche. Elle est inimitable et fait toute la différence avec d’autres compositeurs. C’est là l’une des clés de sa technique car il montre de quellemanière il joue de l’écartement des doigts au service de formules très personnelles. Il faut y ajouter bien d’autres éléments comme l’étonnante vivacité nécessaire dans les déplacements desmains. Chaque interprète trouve ses propres solutions techniques.
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