13 CLÉMENT LEFEBVRE Où dans sa musique rencontre-t-on Scriabine ? Selon moi, on ne le rencontre véritablement jamais. En quête incessante d’absolu, il semble être dans une permanente insatiabilité. Chaque œuvre appelle une suivante au point que l’on peut se demander s’il parvient à un sentiment d’accomplissement, c’est ce qu’il y a de fascinant chez lui. Comme guidé par une force supérieure qui le propulse dans une direction unique, Scriabine n’est pas un contemplatif, il ne se repose jamais sur ce qu’il a créé, pas plus qu’il n’emprunte d’autres directions, d’autres chemins. Il sait où il veut aller et suit sa trajectoire qu’il trace toujours plus loin, dans un désir perpétuellement inassouvi de dépassement, de transcendance. En jouant ses œuvres on se saisit d’un moment éphémère comme on prend une photographie sur le vif, un court moment de ce long chemin qui le mènera Vers la flamme, à cet état suprême, cette « extase » qui le hante. Sa musique est en constant mouvement, à un point tel qu’il est impossible de se plonger dans sa pensée, la pénétrer. Je ne vois pas d’autre choix que de s’en saisir en y mettant une grande part de soi. Elle impose cet engagement-là, mettant plus que toute autre l’interprète devant son rôle. Elle le pousse dans ses plus profonds retranchements.
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