10 CON ELEGANZA Comment la Fantaisie opus 28 s’intègre-t-elle dans votre programme et qu’a-telle de spécial ? Jouée après les Impromptus, la Fantaisie apporte un souvenir assez fort de la Sonate. Elle est un dernier élan romantique, une transition entre la Troisième Sonate et la Quatrième qui ouvre la seconde période créatrice de Scriabine. En un souffle et très architecturée, elle ressemble davantage à un grand mouvement de sonate qui tient une part importante de sa force de son aspect massif. Théâtrale, volontairement tragique, d’un lyrisme exacerbé, elle porte en elle le goût de son auteur pour la démesure. Elle exhale quelque chose de dangereux et de terriblement attirant. On éprouve en la jouant une envie irrésistible d’aller vers ce danger, de se laisser happer par lui. Elle a ce côté fatal. Cela participe de son effet de souffle au-delà de sa structure formelle. Avec elle, Scriabine repousse toutes les limites. En premier lieu celles du pianiste car elle est particulièrement difficile, mais aussi celles du timbre du piano, celles de l’écriture pianistique dont elle va jusqu’à dépasser les possibilités, et enfin celles de l’auditeur, par son caractère spectaculaire, dans une ivresse sonore portée à son acmé.
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