LDV141

SCRIABINE CLÉMENT LEFEBVRE CON ELEGANZA

Clément Lefebvre piano Alexandre Scriabine 1872-1915

1 Sonate pour piano n°3 en Fa dièse mineur op. 23 20’17 Piano Sonata no.3 in F sharp minor op.23 Drammatico 6’46 Allegretto 2’30 Andante 4’37 Presto con fuoco 6’24 Impromptu à la Mazur op.7 n°1 en Sol dièse mineur / in G sharp minor 4’34 Impromptu à la Mazur op.7 n°2 en Fa dièse majeur / in F sharp major 3’53 Impromptu op. 10 n°1 en Fa dièse mineur / F sharp minor 4’11 Impromptu op. 10 n°2 en La majeur / in A major 2’42 Impromptu op. 12 n°1 en Fa dièse majeur / in F sharp major : Presto 4’38 Impromptu op. 12 n°2 en Si bémol mineur / in B flat major : Andante cantabile 4’44 Impromptu op. 14 n°1 en Si majeur / in B major : Allegretto 2’23 Impromptu op. 14 n°2 en Fa dièse mineur / in F sharp minor : Andante cantabile 4’23 Fantaisie en Si mineur / in B minor, op. 28 9’45 Poème op. 32 n°1 en Fa dièse majeur / in F sharp major : Andante cantabile 3’38 Poème op. 32 n°2 en Ré majeur / in D major : 1’49 Allegro, con eleganza, con fiducia Valse (Waltz) en La bémol Majeur / A flat major op. 38 6’07 TT’ : 73’07 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16

Existe-t-il compositeur plus singulier qu’Alexandre Scriabine ? À des lieues de celles de ses contemporains russes, sa trajectoire originale est celle d’une comète incandescente dans le ciel musical de son époque, dont les milliers de lumens s’éteindront brusquement à son point culminant… par la dérisoire piqûre de mouche dont il succombera. Cet Icare exalté, épris d’absolu, rêvant d’extase mystique, inscrit ses premiers pas dans l’héritage de Frédéric Chopin. Ses œuvres de jeunesse qui portent dans leurs lignes raffinées les germes de sa folle créativité, trouvent sous les doigts de Clément Lefebvre une puissance expressive et un mouvement poétique d’une rare élégance.

3 CLÉMENT LEFEBVRE États d’âme… Clément Lefebvre, comment êtes-vous entré dans l’univers d’Alexandre Scriabine? Clément Lefebvre : Sa musique est ancrée en moi depuis l’enfance. Je l’ai découverte très jeune en écoutant mon frère aîné jouer la première étude de l’opus 2. J’ai été saisi par la façon singulière dont ce compositeur fait sonner le piano, par ses jeux de registres, ses vibrations, ses mises en résonance. J’ai posé assez tôt mes doigts sur sa Troisième Sonate puis je me suis aventuré dans ses pièces plus rarement jouées, en particulier ses Impromptus qui m’ont séduit immédiatement et dont la découverte m’a encouragé à consacrer cet album à sa première période créatrice. J’avais en outre depuis longtemps le désir de me plonger dans sa Fantaisie qui en est l’aboutissement. Fasciné par ce compositeur en quête perpétuelle, j’ai aussi exploré l’ensemble de son œuvre : chacune de ses œuvres est une étape de son évolution stylistique, une marche vers un absolu qu’il rêve d’atteindre.

4 CON ELEGANZA Compositions de jeunesse, quelle sorte d’étape sont ses Impromptus ? J’ai aimé l’idée de pouvoir me saisir de ses Impromptus comme d’un détail d’une immense photographie que serait son œuvre entière, détail un peu dissimulé mais qui contiendrait des révélations importantes. Ils représentent une demi-heure de musique qui témoigne certes de l’influence de Chopin que Scriabine vénérait, mais surtout de son attirance pour la petite forme, de son goût pour le raffinement et de l’élégance très spéciale de sa musique. Il gardera par la suite ce geste de raffinement, même dans ses pages les plus sombres et les plus hallucinées. Ses Impromptus sont des épures, des instantanés poétiques. Ils ont cette spontanéité, cette fraicheur nées du jaillissement de son inspiration. Plus légers, plus intimes, ils entrent en contraste avec la densité et la force narrative de la Troisième Sonate et de la Fantaisie. Je demeure étonné qu’aujourd’hui ils soient si peu joués et encore moins enregistrés. Ils sont magnifiques et apportent un éclairage indispensable sur un trait de la personnalité du compositeur. La place que j’ai voulu leur donner au cœur de cet album est ma façon de leur rendre justice.

5 CLÉMENT LEFEBVRE Ses deux premiers impromptus opus 7 assortis de la mention « à la Mazur », dans le droit fil de ses Dix Mazurkas opus 3, puisent de toute évidence leur source chez Chopin. Entre 1891 et 1895, Scriabine compose ces huit impromptus. Quelles sont leurs particularités et son écriture évolue-t-elle au terme de cette courte période ? Avec la Mazurka, Scriabine est passé par cette phase d’emprise, mais aussi d’appropriation d’un genre appartenant typiquement à Chopin. Certains de ses Impromptus en ont l’allure, non seulement ceux de l’opus 7, mais également l’opus 14 n°1. Ils ont cette simplicité de discours, ce charme immédiat et désarmant qui me touchent. L’opus 10 n°1 est d’une mélancolie poignante et d’un grand raffinement. L’opus 12 n°1 est un tourbillon enivrant. Le second de cet opus est empreint d’un pathétisme appuyé et par son intensité expressive si particulière, il représente bien le compositeur dans sa jeunesse. La douleur contenue de l’opus 14 n°2 est bouleversante. Si l’ombre de Chopin plane au-dessus d’eux, l’écriture de Scriabine témoigne opus après opus d’une manière de concevoir le son de plus en plus personnelle, laissant apparaître des harmonies plus saillantes, voire violentes. De leurs combinaisons de registres émanent des résonances inouïes, en demi-teintes. Dans l’opus 12 n°1, il introduit une polyrythmie donnant à sa musique ce mouvement intérieur et cet inébriant élan caractéristiques du style qu’il développera par la suite.

6 CON ELEGANZA Vous les jouez dans leur succession chronologique, presque d’un seul tenant… Il me semble qu’ils sont nés d’un unique élan créatif, se suivant de près dans leur composition. Ils se rejoignent dans le traitement gracieux des courbes de leurs lignes, de leurs rythmes, de leurs harmonies. Tenant ainsi très bien ensemble, il m’a semblé cohérent et opportun de leur offrir la dimension d’un grand cycle. Achevée en 1898, la Sonate n°3 est postérieure à ces Impromptus. Vous ouvrez votre récital avec elle. Pour quelle raison ? L’ébranlement puissant de ses octaves dans le grave du piano impose d’emblée l’écoute. Le début de son mouvement Drammatico ne laisse pas le choix : ses premières mesures contiennent un appel d’une force irrépressible que je ressens comme l’expression d’un questionnement existentiel, d’une détresse profonde. Ayant une véritable addiction pour cette Sonate, ouvrir ce récital avec elle a été pour moi une façon de poser un acte fort d’où découlerait la suite de son programme. Elle offre un éclairage particulier aux Impromptus qui lui succèdent. Après l’épopée de cette grande œuvre, ils n’apparaissent plus dans une forme de superficialité, ne peuvent plus être considérés comme accessoires, et apportent une présence rafraîchissante pour le cœur et l’esprit.

7 CLÉMENT LEFEBVRE Si les Impromptus nous donnent à entendre la beauté du son pianistique, à l’instar de ceux de Chopin, cette Sonate n’a-t-elle pas une dimension orchestrale ? Son écriture n’est par endroits pas du tout pianistique et bien au-delà de l’instrument, Scriabine va avec elle au-delà même de l’orchestre. Elle a un son, une atmosphère très intérieure qui échappent à la matérialité. Sa poésie intangible émane de la plasticité de sa matière sonore, ce qui peut paraître contradictoire avec ses mots consignés dans l’un de ses carnets de notes : « plus une chose est poétique, plus elle est réelle ». Mais sa notion de la réalité n’est pas la nôtre, elle ne repose pas sur le concret ! Dans cette Sonate qui porte encore quelques traces de Chopin apparaît une nouvelle influence. Scriabine ouvre plus grand le champ des possibles : il élargit l’espace sonore, le traitement harmonique, introduit le leit motiv par le rappel du thème initial entre les troisième et quatrième mouvements, utilise l’hyperchromatisme dans le finale où l’on retrouve le thème de l’andante, luimême conçu comme une ligne infinie…autant d’éléments wagnériens, marqueurs essentiels de cette sonate selon moi.

8 CON ELEGANZA D’où vient son surnom « États d’âme » ? D’envergure symphonique en quatre mouvements, cette œuvre encore très romantique a été surnommée a posteriori « États d’âme » par Tatiana de Schloezer, la deuxième épouse de Scriabine. Longtemps j’ai été séduit par cette idée, mais j’ai fini par constater que par leur caractère narratif, les titres qu’elle a imaginés pour ses mouvements balisent énormément l’écoute. J’ai bien essayé de poser des mots sur : quel état d’âme ? pour quel mouvement ? … mais j’en suis venu à me détacher de cette préoccupation tout en continuant à vivre cette Sonate musicalement, émotionnellement, comme un voyage intérieur, immatériel, certes constitué de différents états d’âme mais sans avoir à les expliciter. J’ai pris conscience qu’en définitive les perceptions respectives - les états d’âme - de l’interprète et de l’auditeur ne sont pas forcément les mêmes et j’ai accepté l’insaisissable mobilité de cette musique.

9 CLÉMENT LEFEBVRE Quels sont donc vos propres états d’âme ? Chaque fois que je la joue, je laisse en elle une part immense de moi-même. Elles est très éprouvante psychologiquement et je n’en sors jamais indemne. J’ai beau me dire qu’il faut garder la tête froide, je ressens à chaque fois l’impression de jouer ma vie. Reliée à mon histoire, elle creuse en moi un sentiment très intime. Quand j’ai commencé à la travailler, j’étais dans l’attente de la naissance de ma fille. Aujourd’hui, je ne peux toujours pas jouer son troisième mouvement sans penser à cette période-là, sans revivre le bonheur de cet avènement qui allait complètement chambouler mon existence. Il m’arrive de lutter en concert pour ne pas me laisser submerger par l’émotion. De surcroît, le tourbillon vertigineux du finale de cette Sonate met au bord d’un gouffre, dans une sensation permanente de danger.

10 CON ELEGANZA Comment la Fantaisie opus 28 s’intègre-t-elle dans votre programme et qu’a-telle de spécial ? Jouée après les Impromptus, la Fantaisie apporte un souvenir assez fort de la Sonate. Elle est un dernier élan romantique, une transition entre la Troisième Sonate et la Quatrième qui ouvre la seconde période créatrice de Scriabine. En un souffle et très architecturée, elle ressemble davantage à un grand mouvement de sonate qui tient une part importante de sa force de son aspect massif. Théâtrale, volontairement tragique, d’un lyrisme exacerbé, elle porte en elle le goût de son auteur pour la démesure. Elle exhale quelque chose de dangereux et de terriblement attirant. On éprouve en la jouant une envie irrésistible d’aller vers ce danger, de se laisser happer par lui. Elle a ce côté fatal. Cela participe de son effet de souffle au-delà de sa structure formelle. Avec elle, Scriabine repousse toutes les limites. En premier lieu celles du pianiste car elle est particulièrement difficile, mais aussi celles du timbre du piano, celles de l’écriture pianistique dont elle va jusqu’à dépasser les possibilités, et enfin celles de l’auditeur, par son caractère spectaculaire, dans une ivresse sonore portée à son acmé.

11 CLÉMENT LEFEBVRE Les deux Poèmes qui suivent nous font-ils pénétrer dans un univers nouveau ? J’ai voulu avec eux entrouvrir une fenêtre sur la deuxième période créatrice de Scriabine. Les Deux Poèmes opus 32 sont les premiers de près d’une trentaine qu’il a composés. D’une écriture très concentrée qui fait leur force expressive, on peut les définir comme des aphorismes musicaux. La grâce, le raffinement, la sensualité des courbes mélodiques que l’on trouvait dans les Impromptus sont toujours là, mais leur traitement harmonique est tout autre par les retards et glissements qui les rendent évanescents. Le premier Poème apporte une sensation d‘apaisement extrême par ses sonorités impalpables et le balancement de son rythme : on ne sait pas où l’on va, ni réellement où l’on est, mais on n’y attache aucune importance ! On y vit l’instant présent d’une façon assez unique. Lorsque je le joue, il me donne la sensation de l’improviser. Le second, presque disproportionné au regard de sa durée, est plus déconcertant. On pourrait être tenté de privilégier son caractère conquérant et fier, « confiant » (con fiducia) comme le stipule Scriabine, en négligeant le terme « élégant », première didascalie qu’il emploie et qui a selon moi une importance primordiale. Il y a un équilibre subtil à trouver entre les deux. Avec ces Poèmes, on quitte le souffle romantique de la Sonate et de la Fantaisie, leur façon de parler à la première personne, pour entrer dans un univers indiciblement envoûtant.

12 CON ELEGANZA Qu’apporte la Valse qui referme votre programme ? La luxuriance. Celle que l’on trouvera dans nombre de ses ouvrages ultérieurs. On pourrait la considérer comme une petite bulle brillante et virtuose au sein du catalogue du compositeur, mais elle est double. Le côté vénéneux qui pointait dans la Fantaisie est chez elle prononcé, insidieux, sous un abord extrêmement charmant, élégant. Je la compare à une rose au parfum envoûtant mais empoisonné. Tentatrice, elle ne révèle pas tout de suite la manière dont elle va se transformer, aller vers la démesure et la folie de son déferlement d’octaves. C’est une Valse rêvée, fantasmée, un peu comme Ravel l’a conçue à plus grande échelle.

13 CLÉMENT LEFEBVRE Où dans sa musique rencontre-t-on Scriabine ? Selon moi, on ne le rencontre véritablement jamais. En quête incessante d’absolu, il semble être dans une permanente insatiabilité. Chaque œuvre appelle une suivante au point que l’on peut se demander s’il parvient à un sentiment d’accomplissement, c’est ce qu’il y a de fascinant chez lui. Comme guidé par une force supérieure qui le propulse dans une direction unique, Scriabine n’est pas un contemplatif, il ne se repose jamais sur ce qu’il a créé, pas plus qu’il n’emprunte d’autres directions, d’autres chemins. Il sait où il veut aller et suit sa trajectoire qu’il trace toujours plus loin, dans un désir perpétuellement inassouvi de dépassement, de transcendance. En jouant ses œuvres on se saisit d’un moment éphémère comme on prend une photographie sur le vif, un court moment de ce long chemin qui le mènera Vers la flamme, à cet état suprême, cette « extase » qui le hante. Sa musique est en constant mouvement, à un point tel qu’il est impossible de se plonger dans sa pensée, la pénétrer. Je ne vois pas d’autre choix que de s’en saisir en y mettant une grande part de soi. Elle impose cet engagement-là, mettant plus que toute autre l’interprète devant son rôle. Elle le pousse dans ses plus profonds retranchements.

Is there a more singular composer than Alexander Nikolayevich Skrjabin ? Light years away from those of his Russian contemporaries, his original trajectory is that of an incandescent comet in the musical firmament of his time, whose thousands of lumens are suddenly extinguished at its zenith... all because of the ridiculous insect bite to which he succumbed. Captivated by the infinite and yearning for mystical ecstasy, this exalted Icarus traced his first steps within the legacy of Fryderyck Chopin (1810-1849). His youthful works, bearing in their refined lines the seeds of his boundless creativity, find under Clément Lefebvre’s touch an expressive power and a poetic motion of rare elegance.

15 CLÉMENT LEFEBVRE States of mind... Clément Lefebvre, how did you enter the world of Alexander Scriabin? Clément Lefebvre: His music has been with me since childhood. I discovered it when I was very young, listening to my older brother play the first étude from Opus 2. I was captivated by the unique way in which this composer made the piano sound, with its interplay of registers, vibrations and resonances. I got to grips with his Piano Sonata no.3 early on and then ventured into his lesser-played pieces, in particular his Impromptus, which immediately appealed to me and whose discovery encouraged me to devote this album to his first creative period. I had also wanted for some time to immerse myself in his Fantaisie, which is the culmination of his work. Fascinated by this composer and his perpetual search, I also explored the whole of his oeuvre: each of his works represents a stage in his stylistic evolution, a march towards an absolute that he dreams of attaining.

16 CON ELEGANZA His Impromptus are early compositions. What stage of his development do they represent? I liked the idea of treating his Impromptus as if they were a detail in an immense photograph of his entire creative output, a detail that was somewhat hidden but that would contain important revelations. They represent half an hour of music that certainly bears witness to the influence of Chopin, whom Scriabin revered, but above all to his attraction to the small form, his taste for refinement and the very special elegance of his music. He would later retain this manifestation of refinement, even in his darkest and most hallucinatory works. His Impromptus are sketches, poetic snapshots. They have that spontaneity, that freshness born of the eruption of his inspiration. Lighter and more intimate, they contrast with the density and narrative force of the Piano Sonata no.3 and the Fantasie. I remain astonished that they are so rarely performed today, let alone recorded. They are magnificent and shed indispensable light on a feature of the composer's personality. The place I wanted to give them at the heart of this album is my way of doing them justice.

17 CLÉMENT LEFEBVRE His first two Impromptus, Op. 7, marked ‘à la Mazur’ and following on from his Ten Mazurkas, Op. 3, were clearly inspired by Chopin. Scriabin composed these eight Impromptus between 1891 and 1895. What are their characteristics, and did his writing evolve at the end of this short period? With the Mazurka, Scriabin went through this phase not only of taking hold of, but also of appropriating a genre that typically belonged to Chopin. Some of his Impromptus, not only those in Op. 7 but also Op. 14 No.1, have the same allure. They have that simplicity of expression, that immediate, disarming charm that moves me. Opus 10 No.1 is poignantly melancholy and highly refined. Op. 12 No.1 is an intoxicating whirlwind. The second of this opus is imbued with a strong sense of pathos and, with its particular expressive intensity, is a good representation of the composer in his youth. The contained pain of Op. 14 No.2 is deeply moving. While the shadow of Chopin hangs over them, Scriabin's writing bears witness, opus after opus, to an increasingly personal way of conceiving sound, revealing more striking, even violent harmonies. From their combinations of registers emerge unheard-of resonances, in subtle shades. In Opus 12 No.1, he introduces a polyrhythm that gives his music that inner movement and intoxicating momentum characteristic of the style he would go on to develop.

18 CON ELEGANZA You play them in their chronological sequence, almost in one single breath... It seems to me that they were born of a single creative impulse, following on from each other closely in their composition. They stand together by the graceful treatment of the contour of their lines, their rhythms and their harmonies. And because they fit together so well, I thought it would be a good idea to offer them the privilege of a major cycle. Completed in 1898, the Piano Sonata No.3 comes after these Impromptus. You open your recital with it. For what reason? The powerful tremor created by the octaves in the low register of the piano is immediately compelling. The beginning of its Drammatico movement leaves us no choice: its opening bars contain a call of irrepressible force that I feel is the expression of existential questioning and profound distress. Having a true addiction to this sonata, opening the recital with it was, for me, a way to make a bold statement from which the rest of the programme would flow. It provides a particular perspective on the Impromptus that follow. After the epic journey of this great work, they no longer appear superficial, cannot be considered merely incidental, and bring a refreshing presence to both heart and mind.

19 CLÉMENT LEFEBVRE If the Impromptus offer us the beauty of pianistic sound, like those of Chopin, doesn't this sonata have an orchestral dimension? His writing is not at all pianistic in places, and Scriabin goes far beyond the instrument with it, even beyond the orchestra. It has a sound, a very interior atmosphere that escapes materiality. Its intangible poetry emanates from the plasticity of its sound matter, which may seem contradictory to his words recorded in one of his notebooks: ‘The more poetic something is, the more real it is’. But his notion of reality is not ours, it is not based on the concrete! In this sonata, which still bears some traces of Chopin, a new influence emerges. Scriabin opens up a wider field of possibilities: He enlarges the sound space, the harmonic treatment, introduces the motivic leitmotif by recalling the initial theme between the third and fourth movements, uses ultrachromaticism in the finale where we find the theme of the andante, itself conceived as an unlimited line... so many Wagnerian elements, essential markers of this sonata in my opinion.

20 CON ELEGANZA Where does the subtitle ‘Etats d'Âme’(States of Mind) come from? This four-movement symphonic-scale work, which is still very much a Romantic work, was subsequently dubbed ‘États d'âme’ byTatiana Schloezer-Scriabina (1883-1922), Scriabin's second wife. For a long time, I was seduced by this idea, but I came to realise that the narrative nature of the titles she had devised for its movements made listening to them very difficult. I've tried to put it into words: What state of mind? For which movement? … But I have come to detach myself from this preoccupation while continuing to live this sonata musically, emotionally, as an inner journey, immaterial, certainly composed of different states of mind but without having to make them explicit. I became aware that ultimately the respective perceptions - the states of mind - of the performer and the listener are not necessarily the same, and I have accepted the elusive fluidity of this music.

21 CLÉMENT LEFEBVRE So what is your own state of mind? Each time I play it, I leave a vast part of myself in it. It is very psychologically demanding, and I never come out of it unscathed. No matter how much I tell myself to remain calm, I always feel as if I am playing for my life. Connected to my personal history, it arouses a very profound feeling within me. When I began working on it, I was awaiting the birth of my daughter. Today, I still cannot play the third movement without thinking of that period, without reliving the joy of that event which would completely turn my life upside down. At times, I struggle in concert to keep myself from being overwhelmed by emotion. Moreover, the dizzying whirl of the finale of this sonata brings one to the edge of an abyss, with a constant feeling of danger.

22 CON ELEGANZA How does the Fantasie Op. 28 fit into your programme, and what makes it special? Played after the Impromptus, the Fantaisie is a fairly strong reminder of the sonata. It is a final romantic impulse, a transition between the Third and Fourth Piano Sonatas, which opens Scriabin's second creative period. In one highly structured breath, it resembles a large sonata movement, which derives much of its force from its solid aspect. Theatrical, deliberately tragic, with an exaggerated lyricism, it conveys its author's taste for excess. It exudes something dangerous and terribly attractive. When you play it, you feel an irresistible urge to go towards that danger, to be caught up in it. It has that fatal quality. That's part of its breathtaking effect, beyond its formal structure. With it, Scriabin pushed back all limits. First and foremost, those of the pianist, because it is particularly difficult, but also those of the timbre of the piano, those of piano writing, whose possibilities it goes so far as to exceed, and finally those of the listener, by its spectacular nature, in a sonic intoxication reaching its peak.

23 CLÉMENT LEFEBVRE Do the Deux Poèmes that follow take us into a new world? With them, I wanted to open a window onto Scriabin's second creative period. The Deux Poèmes, Op. 32, are the first of almost thirty he composed. With their highly concentrated writing and expressive power, they can be described as musical aphorisms. The grace, refinement and sensuality of the melodic contours found in the Impromptus are still there, but their harmonic treatment is quite different, with suspensions and harmonic shifts that make them evanescent. The first Poème brings an extreme sense of calm through its intangible sounds and its swaying rhythm: you don’t know where you’re heading, nor really where you are, but it doesn’t matter at all! In it, one experiences the present moment in a rather unique way. When I play it, it gives me the feeling of improvising. The second, almost disproportionate in relation to its length, is more disconcerting. One might be tempted to emphasise its bold and proud character, 'confident' (con fiducia) as Scriabin specifies, while overlooking the term 'elegant,' the first expressive marking he uses, which I believe holds paramount importance. There is a subtle balance to be struck between the two. With these Poèmes, we leave behind the romantic breath of the sonata and the Fantaisie, their way of speaking in the first person, to enter an inexpressibly bewitching world.

24 CON ELEGANZA What does the waltz that concludes your programme bring to the table? Luxuriance. The same kind of lushness that is to be found in many of his later works. It could be considered a brilliant, virtuoso little bubble in the composer's catalogue, but it is twofold. The venomous side that came to the fore in the Fantaisie is pronounced and insidious here, beneath an extremely charming, elegant surface. I compare it to a rose with an enchanting but poisonous scent. A temptress, it doesn’t immediately reveal the way it will transform, moving towards the excess and madness of its cascade of octaves. It’s a waltz that is dreamed, fantasised, something like how Ravel conceived it on a larger scale.

25 CLÉMENT LEFEBVRE Where in Scriabin's music do we find him? In my opinion, you never really meet him. In a never-ending quest for the absolute, he seems to be in a permanent state of insatiability. Each work calls for the next, to the point where you wonder if he ever achieves a sense of accomplishment, and that is what is so fascinating about him. As if guided by a higher force that propels him in a singular direction, Scriabin is not a contemplative; he never lingers on what he has created, nor does he take other directions or paths. He knows where he wants to go and follows his trajectory, which he traces ever further, in a perpetually unfulfilled desire to surpass himself, to transcend. In playing his works, one captures an ephemeral moment, like taking a snapshot in the heat of the moment—a brief instant on the long path that would lead him Towards the Flame, to that supreme state, that 'ecstasy' that haunted him. His music is in constant motion, to such an extent that it is impossible to delve into his mind, to fully grasp it. I see no other choice but to engage with it by investing a large part of oneself in it. It demands this level of commitment, confronting performers with the essence of their role more than any other music. It pushes them to their deepest limits.

アレクサンドル スクリャービン 1872-1915 クレマン・ルフェーヴル(ピアノ)

27 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 ピアノ・ソナタ第3番 嬰ヘ短調op. 23 20’16 ドランマティコ 6'46 アレグレット 2'30 アンダンテ 4'36 プレスト・コン・フォーコ 6'24 2つのマズルカ風即興曲 嬰ト短調op. 7-1 4'33 2つのマズルカ風即興曲 嬰ヘ長調op. 7-2 3'52 即興曲 嬰ヘ短調 op. 10-1 4'11 即興曲 イ長調 op. 10-2 2'41 即興曲 嬰ヘ長調 op. 12-1:プレスト 4'37 即興曲 変ロ短調 op. 12-2:アンダンテ・カンタービレ 4'44 即興曲 ロ長調 op. 14-1:アレグレット 2'33 即興曲 嬰ヘ短調 op. 14-2:アンダンテ・カンタービレ 4'22 幻想曲 ロ短調op. 28 9’45 2つの詩曲 嬰ヘ長調op. 32-1:アンダンテ・カンタービレ 3'38 2つの詩曲 ニ長調op. 32-2:アレグロ, コン・エレガンツァ, コン・フィドゥーチャ 1'49 ワルツ 変イ長調op. 38 6’06 TT’ : 73’07

アレクサンドル・スクリャービンよりも異色 な作曲家が、果たして存在するだろうか? 彼が描いた特異な軌道は、同時代のロシア人作曲家た ちから何光年も離れている。当時の音楽界の天空を、ま ばゆい彗星のごとく翔けたスクリャービンの数千ルーメ ンの光は、彼の絶頂期に突如として消えた——ほんの小 さな虫刺されが、彼の命を奪ったことによって……。魂 を高揚させ、絶対的なるものに取り憑かれ、神秘主義的 な恍惚を夢見るイカロスことスクリャービンは、フレデリ ック・ショパンの音楽遺産とともに作曲家としての第一 歩を踏み出した。若きスクリャービンの音楽の洗練を極 めた旋律線は、狂おしい創造性の萌芽をはらんでいる。 クレマン・ルフェーヴルの指は、これらの初期作品から、 力強い表現と類まれに優美で詩的な移ろいを引き出し ていく。

29 クレマン・ルフェーヴル 心理状態… アレクサンドル・スクリャービンの音楽世界にどのように足を踏み入れたのですか? クレマン・ルフェーヴル:スクリャービンの音楽は、幼少期から私の心に根を下ろしてきまし た。幼い頃、兄が《練習曲》op.2-1を演奏するのを聞き、彼の音楽と出会ったのです。私は、ス クリャービンの独特なピアノの響かせ方と、種々の音域や振動や共鳴の相互作用に心惹か れました。私の指は、かなり早い時期に彼の《ソナタ第3番》に接し、その後、より演奏機会の 少ない曲にも触れるようになりました。とりわけ即興曲にすぐさま魅了され、その出会いが、 スクリャービンの初期作品を集めたアルバムの制作へと私の背中を押しました。そのうえ私 は、初期作品の帰結である《幻想曲》を深く掘り下げたいと、長らく望んでいました。飽くな き探求を続けたスクリャービンに魅せられた私は、彼の全作品にも目を向けました——そ の1曲1曲は、彼の様式的進展のステップの一つであり、彼が到達を夢見ていた絶対的なる ものへと向かう歩みの一つなのです。

30 コン•エレガンツァ 若きスクリャービンが手がけた即興曲は、どのような“ステップ”を体現しているのでし ょう? 私は、スクリャービンの一連の即興曲を、一枚の巨大な写真——彼の全作品群——を構成 する一つのディティール(細部)として捉えたいと考えています。やや目立たぬ存在でも、重要 な事実を内包しうるディティールとして…。彼の即興曲は、全曲合わせて僅か30分ほどの音 楽ですが、彼が敬愛するショパンの影響はもとより、彼の小規模な形式への偏愛や、洗練に 対する嗜好、彼の音楽に特有のエレガンスをはっきりと示してもいます。その後もスクリャー ビンは、最も暗く幻惑的な作品においてさえ、この洗練を保ち続けることになります。彼の即 興曲は、どれも素描や詩的なスナップ写真のようであり、その自発性や瑞々しさの源泉は、彼 の湧き出でるインスピレーションです。即興曲の軽やかさや親密さは、《ソナタ第3番》と《幻 想曲》の濃密さやナラティヴな力強さとは対照的です。彼の即興曲が、今日あまり演奏され ておらず、滅多に録音されていないことが、信じられません。スクリャービンの音楽がもつ特 性の一つに重要な光を当てる名曲ばかりなのに…。即興曲を本盤の中心に据えたのは、こ れらの曲の真価を私なりに認めたいという思いからです。

31 クレマン・ルフェーヴル 《10のマズルカop.3》の流れを汲む《2つのマズルカ風即興曲op.7》が、ショパンの影響 下にあることは明らかです。本盤に収録されている8つの即興曲は、1891年から1895年 にかけて作曲されています。8曲の特徴は何でしょうか? この短期間にスクリャービンの 書法は変化を遂げたのでしょうか? 当時のスクリャービンは、マズルカから影響を受けるだけでなく、この“すぐれてショパン 的”なジャンルを我がものとしました。Op.7のみならず、たとえばop.14-1の即興曲も、マ ズルカ風です。スクリャービンの即興曲がもつ簡明な表現や、ストレートで屈託のない魅 力は、私の心を揺さぶります。Op.10-1は、悲痛で、メランコリックで、極めて洗練されて います。Op.12-1は、めまぐるしい動きで私たちを陶酔させます。悲壮感を前面に押し出 すop.12-2の独特で強烈な表現は、スクリャービンの初期作品の最たる特徴と言えま す。Op.14-2がはらむ抑制された苦悩は、実に感動的です。確かに、これらの即興曲の上空 ではショパンの影が舞っています。しかしスクリャービンの書法の変遷に着目すると、1曲ご とに響きの構想が独創性を増していくなか、和声の動きもより際立ち、いっそう荒々しいも のになっていきます。そして種々の音域の巧みな配合から、先例のない半濃淡の響きが生じ ています。スクリャービンがop.12-1で用いたポリリズムは、音楽に内なる運動を付与すると ともに、のちに彼が発展させることになる様式に特徴的な、恍惚とした躍動を生み出しても います。

32 コン•エレガンツァ 今回は即興曲を、作曲された順に、ほとんど一息で弾いていらっしゃいますね… 私には一連の即興曲が、一つの創造的な衝動から次々と生まれたように感じられます。8曲 は、曲線を描く旋律、リズム、ハーモニーが優美に扱われているという点で、軌を一(いつ)に しています。足並みがそろった8曲を一つのツィクルスとみなすことは、当を得ていると思いま した。 1898年に完成した《ソナタ第3番》は、即興曲よりも後に書かれた作品です。このソナタ を本盤の幕開けに置いた理由をお聞かせください。 ピアノの低音域で力強く揺れるオクターヴは、たちまち聞き手の心をとらえます。第1楽章〈 ドランマティコ〉の出だしは断固たるものです——私には、冒頭数小節の抗しがたい力をも つ呼びかけが、実存的な問いかけ、そして深い悲嘆の表現のように感じられます。私は《ソナ タ第3番》に、いわば中毒のように惹かれています。私にとって、この曲を本盤の幕開けで弾 くことは、その後のプログラム全体の流れを促す力強い意志の表明を意味します。さらにこ のソナタは、次なる即興曲にも特異な光を投げかけます。叙事詩的で壮大なソナタの余韻 の中で、即興曲は表面的なイメージから脱し、単なる二次的な作品という見方からも離れ、 私たちの心の中で新鮮な存在感を放つのです。

33 クレマン・ルフェーヴル これら一連の即興曲は、ショパンの即興曲と同じように、ピアノならではの美しい音を聞か せます。ひるがえって、《ソナタ第3番》には管弦楽的な側面があるように思えます。 《ソナタ第3番》の書法には、全くピアニスティックではない箇所が散見されます。スクリャ ービンは、ピアノどころか、管弦楽さえも超越しています。このソナタのサウンドや、極めて内 向的な雰囲気は、物質性から脱しているのです。触知できない詩情が、可塑的な音素材から 生じています。それは、スクリャービンがノートに書き留めた言葉——「詩的であればあるほ ど、より現実に近づく」——とは矛盾しているように思えます。しかしながら、彼の現実の概 念は、私たちのそれとは異なり、具象的なものを拠り所としていません! なおもショパンの 足跡を残す《ソナタ第3番》には、別の作曲家の影響も新たに見出されます。というのもスク リャービンは、このソナタにおいて、可能性の枠をより大きく広げているのです。彼は、音響 空間と和声的処理を拡大し、冒頭の主題を第3・4楽章で回帰させることによってライト・モ チーフ(示導動機)を導入し、第4楽章で急進的な半音階的手法を用いています。さらに、こ の終楽章で再び現れる第3楽章〈アンダンテ〉の主題の旋律は、無限旋律のように延々と続 きます。これらの多くのワーグナー的要素こそが、このソナタの最も顕著な指標であると私 は考えています。

34 コン•エレガンツァ ソナタの愛称「心理状態(États d’âme)」は何に由来するのでしょうか? なおも極めてロマン主義的な《ソナタ第3番》は、4楽章構成の交響楽的なスケールをもつ 作品です。愛称「心理状態〔複数形〕」は、スクリャービンの二人目の妻タチヤナ・ド・シュリョ ーツェルによって、後から付けられたものです。私は長いあいだ、この愛称に惹かれていまし た。しかし最終的に、タチヤナが各楽章のために考案したタイトルは、そのナラティヴな性格 によって聴取を大いに複雑にしていると気づきました。以前の私は、「どのような心理状態? 」「どのような動き?」と自問し、言葉で言い表そうと試みていましたが、そのような関心事と は距離を置くに至りました。もちろん、今も私は《ソナタ第3番》を、内なる精神的な旅として 音楽的・主情的に体験し続けていますが、その旅を構成する様々な心理状態を、明確に言 語化することはありません。 私は、弾き手と聞き手それぞれの知覚——心理状態——は必ずしも一致しな いことに気づき、この曲のとらえどころのない移ろいを受け入れることにしたの です。

35 クレマン・ルフェーヴル あなた自身の心理状態について、お聞かせください。 いつも《ソナタ第3番》を弾くときには、自分自身のほぼ全てを曲に投入します。精神的に非 常に過酷な曲なので、“無傷”で弾き終わることは決してありません。どれほど自分自身に「ず っと冷静でいろ」と言い聞かせても、毎回、自分の人生がかかっているかのように演奏してし まうのです。このソナタは、私の個人的な物語と結びつき、私の心の奥底にある感情を呼び 起こします。この曲を練習し始めたとき、ちょうど私は娘の誕生を待っているところでした。今 日、あの時期のことを思い出さずに第3楽章を弾くことはできません。自分という存在を一変 させることになる特別な出来事を待つ喜びが、いつも蘇ってしまうのです。その感情に圧倒 されないよう、コンサート中に自制することもあります。しかも、終楽章の目もくらむような旋 風のなかでは、絶えず窮地に立って危機感を抱いているような気分になります。

36 コン•エレガンツァ 《幻想曲op.28》は、本盤のプログラムでどのような位置付けにありますか? この曲の 特徴についてもお話しください。 即興曲の次に配した《幻想曲op.28》は、《ソナタ第3番》をかなり強く想起させます。スクリ ャービンの最後のロマン主義的な息吹を聞かせるop.28は、《ソナタ第3番》と、彼の第2の 創作期の到来を告げる《ソナタ第4番》のあいだに完成した作品です。緻密に構築された単 一楽章のop.28は、まるでソナタを成す大規模な楽章のようであり、その力強さの大部分 は、堅固な構造から引き出されています。演劇的で、ことさらに悲劇的で抒情的なこの幻想 曲は、作曲者スクリャービンの極端なるものへの嗜好を物語っていますし、危険でありなが ら恐ろしく魅力的な何かを放つ音楽でもあります。この曲を弾いていると、その危険に近づ いて捕らえられてしまうことへの抗しがたい欲求にかられます。人を破滅へといざなう性質 を秘めた曲なのです。それこそが、形式的構造を超えたところで、息を呑むような効果を生ん でいます。 スクリャービンは《幻想曲op.28》とともに、ありとあらゆる限界を押し広げました。大変な 難曲としてピアニストの限界を押し広げたことはもちろんですが、ピアノの音色やピアノ書法 の限界も押し広げ、その可能性を超越しています。さらに、響きの陶酔が極みへと達すると き、曲の圧倒的な迫力が聞き手の限界をも押し広げます。

37 クレマン・ルフェーヴル 次なる《2つの詩曲op.32》は、このプログラムを新たな世界へといざなうのでしょうか? 今回、《2つの詩曲op.32》とともに、スクリャービンの第2の創作期への窓を開きたいと考え ました。《2つの詩曲》は、彼が作曲した約30曲の詩曲のうち、最初の2曲に当たります。極め て凝縮された書法と、その表現の力強さゆえに、2曲は音楽的なアフォリズムにたとえられ ます。即興曲の優美で洗練された官能的な旋律線は、《2つの詩曲》にも見出されますが、そ れらの和声的な扱いは全く異なります。掛留音や和声の緩慢な変化が、旋律をとらえどころ のないものにしているのです。《2つの詩曲》の第1曲は、その漠とした響きとリズムの揺れに よって、極端な平穏をもたらします——弾き手としては、どこに向かっているのかも、今どこ にいるのかも分かりませんが、ここではそれは何ら問題になりません! そのとき私たちは、 かなり特殊な状況で“今この瞬間”を生きることになります。じっさい、この詩曲を弾いている と、即興しているような感覚を抱きます。2曲目の詩曲は、曲の短さゆえに第1曲とはアンバラ ンスですし、第1曲よりもさらに意表をつく音楽です。演奏者は、スクリャービンの指示にあ る“コン・フィドゥーチャcon fiducia〔自信を持って、の意〕”な曲想を優先させ、“コン・エレガ ンツァcon eleganza〔優美に、の意〕”な曲想を軽視したい誘惑にかられますが、後者こそ、 スクリャービンが先に記している演奏指示ですし、私自身、一番重要な要素であると考えて います。いずれにせよ二つの演奏指示のあいだで、絶妙な均衡を見出す必要があります。こ れら《2つの詩曲》とともに、私たちは《ソナタ第3番》と《幻想曲op.28》のロマン主義的な息 吹——いわば1人称による語り口——から離れ、筆舌に尽くせぬ陶酔の世界に足を踏み入 れることになります。

38 コン•エレガンツァ 締めくくりの《ワルツop.38》は、何をもたらすのでしょうか? 華麗さです。それは、スクリャービンが後に手がける多くの作品にみとめられる特徴です。彼 の作品カタログのなかで、《ワルツop.38》をヴィルトゥオジックで輝かしい小さな泡とみなす こともできるでしょう。しかしop.38には、二重の特性があります。このワルツの極めて魅力的 でエレガントな風采の内側では、《幻想曲op.28》で芽吹いた毒々しい要素が際立ち、ひそか に広がっているからです。《ワルツop.38》を一輪の薔薇にたとえるなら、その魅惑的な香り には毒があります。心を惑わすこの曲は、徐々に変貌し、過剰で狂おしいオクターヴの氾濫 へと向かっていきますが、それを冒頭ですぐに明かすことはしません。この夢と幻想のワルツ は、ラヴェルがより大規模に構想したワルツ〔《ラ・ヴァルス》〕にやや似ています。

39 クレマン・ルフェーヴル 私たちは、スクリャービンの音楽の一体どこで、彼と対面できるのでしょうか? 私の持論では、真の意味で彼に出会えることは決してありません。絶対的なるものを絶えず 追い求めたスクリャービンは、私には不断の変化の中にいるように感じられるからです。彼 の一作一作が、次作に強く呼びかけています。それゆえに私は、果たして彼に達成感を得る 瞬間はあったのだろうかと自問してしまいます。むろん、それがスクリャービンの音楽の魅力 なのですが…。高みの力によって導かれ、ただ一つの方向へ進むよう駆り立てられていた彼 は、瞑想者ではありません。彼は、すでに自分が創り上げたものに耽(ふけ)ることはありま せんし、ましてや他の方向へ進んでみたり、他の道筋を取ってみたりすることはありません。 彼は、自分がどこへ行きたいのか知っており、絶えず克己と超越への飽くなき欲求を抱きな がら、一心不乱に、より遠くへと自らの道を進んでいきます。スクリャービンの作品を演奏し ていると、まるでスナップ写真に収められたかのような、はかない一瞬に出くわすことがあり ます。それは、《焔に向かって》へと——あの崇高な状態へと・彼が取り憑かれた「法悦」へ と——至る長い道程の途上にある、束の間です。スクリャービンの音楽は絶えず動いていま す。そのあまりに頻繁な移ろいゆえに、私たちが彼の思考に身を浸し、彼の思考を完全に理 解することは不可能です。私としては、そこに自己の大部分を投じ、何かをとらえようとする ほかありません。 スクリャービンの音楽は、そのような積極的な姿勢を奏者に要求しますし、他の いかなる音楽よりも、弾き手に演奏者としての役割を直視させます。それは、演 奏者を極限まで追い込む音楽なのです。

41 Clément Lefebvre クレマン·ルフェーヴル

42 CON ELEGANZA La poésie au cœur des sons S’il existe un cercle des poètes-musiciens, Clément Lefebvre en est le porteflambeau de sa génération. Sa personnalité authentique et son sens poétique sont remarqués au Concours International Long-Thibaud-Crespin 2019 dont il est lauréat. Auparavant, il est distingué outre-Manche, remportant en 2016 le Premier Prix et le Prix du public au Concours International de piano James Mottram de Manchester. Cette double consécration arrive au fil d’un périple qui le conduit à Paris alors qu’il n’a que dix ans, initié par Billy Eidi aux principaux fondements de l’art musical, et se poursuit auprès de Jean-Michel Dayez et d’Hortense Cartier-Bresson puis, au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, de Roger Muraro et d’Isabelle Dubuis. Il y reçoit également les conseils de Claire Désert, d'Alain Planès et de Pierre-Laurent Aimard. Les Fondations Banque Populaire et Safran, le Mécénat Société Générale dont il est lauréat lui apportent leur soutien.

43 CLÉMENT LEFEBVRE La sphère des festivals et des scènes françaises qui le reçoivent s’agrandit d’année en année, de l’auditorium du Louvre à celui de Radio France, de La Roqued’Anthéron à Lyon (Opéra), de Metz (Arsenal) à La Côte-Saint-André où en 2024, le Festival Berlioz l’invite à donner en binôme avec Philippe Bianconi l’intégrale de l’œuvre pour piano solo et deux pianos de Ravel. En 2023, il se produit pour la première fois à la Salle Philharmonique de Liège dans la prestigieuse série de récitals « Piano 5 étoiles ». L’artiste arpente Dublin, Pékin, Bruxelles, Berlin, Amsterdam, la Grèce, la Pologne, la Suisse, le Japon. En tournée au Brésil, il joue avec l’Orquestra Sinfônica Brasileira, l’Orquestra Sinfônica de Minas Gerais, poursuivant son expérience avec les orchestres (le Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, l'Orchestre National de France, l’Orchestre de la Garde Républicaine, l’Orchestre National de Metz). Son activité de concertiste s’enrichit de celle de pédagogue au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, où depuis 2023 il est professeur assistant de Marie-Josèphe Jude. Attaché à transmettre et guider la génération montante, il dispense aussi des masterclasses. Qu’il joue Schumann et Chopin, Fauré et Ravel, ou encore Rachmaninov et Scriabine, son jeu sincère et juste touche l’esprit et le cœur suivant un équilibre parfait, conjuguant tendresse et volonté, rêverie et énergie, le discours musical toujours renouvelé. Clément Lefebvre a le verbe noble, et la poésie au bout des doigts.

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