8 TALES OF THE JAZZ AGE Le pavé du boulevard Raspail est luisant sous la pluie qui chatouille Paris depuis le matin. Au numéro 45, dans un célèbre hôtel Art déco de la Rive gauche, James Joyce pianote au salon, tandis que Picasso paie l’addition d’un repas plantureux en dessinant sur la nappe. On dit qu’il n’a jamais signé la nappe… Quand même… il était prêt à payer l’addition, pas à s’offrir l’hôtel. Les pavés de Paris sont luisants sous la pluie qui la chatouille depuis le matin. Le soir est tombé et les parisiens se pressent sur le pont de l’Alma, ils remontent l’avenue Montaigne et tournent machinalement la tête vers le marbre pas trop blanc du Théâtre des Champs-Élysées qui consacre le style Art déco, comme un peu partout ces années-là. Comme au Bœuf sur le toit, un peu plus haut sur la Rive droite. On dit qu’il s’y joue l’avenir de l’Art. Que de grands mots ! En franchissant les portes du cabaret, on y entend très vite le piano de Jean Wiéner qui joue Gershwin, à peine importé des États-Unis ; un autre pianiste lui donne un coup d’épaule, prend sa place au clavier, le voilà qui joue la musique de Cole Porter. Ce pianiste, c’est Clément Doucet qui s’amuse comme un clown, à railler les musiques d’autrefois, en donnant du swing à Wagner. Wagner ? Du swing ? Il semble que l’impossible trouve sa réalisation au music-hall. Wiéner reprend sa place au piano, quelques notes, et voilà que Doucet s’époumone maintenant, en chantant un air de Kurt Weill, tout juste sorti du cabaret berlinois. C’est indécent. C’est parfait.
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