LDV127

8 NOTTURNO Fauré achève cette sonate à l’âge de soixante-douze ans. Il traverse alors une période éprouvante, affecté par le contexte de la guerre, des problèmes de santé, la perte d’êtres chers, sa surdité aggravée… Cette œuvre en porte-t-elle les marques ? Clément Lefebvre : Elle possède une dimension tragique et il s’en dégage à certains moments une forme de violence. Elle commence dans un climat sombre, agitée de rythmes saccadés donnant une sensation de lutte, mais suivis d’un lyrisme exalté assez charnel qui entre en contraste, s’exprimant dans un mouvement ascensionnel. Eva Zavaro : « Une ascension magnifique vers des sommets de joie » comme l’écrit Charles Koechlin ! Fauré nous fait passer par des tunnels de modulations, de marches harmoniques, de canons alambiqués, et soudain on arrive au sommet de la montagne, la musique culmine et on s’envole ! Vient au bout de cette montée exaltante cette libération que l’on a méritée. Nous avons cherché à marquer cet élan. Passer du sombre à la lumière dans cette sonate est une transformation particulièrement difficile à réaliser. Surtout à la conclusion du Finale où elle s’accélère dans un formidable envol. Clément Lefebvre : Le procédé du canon évoqué par Eva, souvent utilisé par Fauré, offre une liberté de ton personnelle, ce sentiment de pouvoir jouer à deux tout en gardant l’intensité de notre propre expression. Il génère ici la sensation d’un rêve obsédant lors d’une nuit fiévreuse : nous cherchons à saisir un objet et au moment où il semble à notre portée, il se déplace et nous échappe. Si le retour du thème initial de la sonate revient à la fin comme un souvenir heureux, persiste une once de tension créée par ce canon absolu, jusqu’au-boutiste.

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