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6 NOTTURNO Les Berceuses, Nocturne et Tarentelle, Après un rêve ont par nature ce rapport à la nuit. Mais comment, Eva, le concevez-vous dans les sonates ? Eva Zavaro : Il découle d’une lecture personnelle. J’y entends diverses évocations nocturnes : épique, dansante, mystérieuse, introspective, quasi philosophique. Szymanowski a écrit sa Sonate à vingt-deux ans, dans la fougue d’une jeunesse imprégnée de poésie mystique, celle de Tadeusz Miciński (1873-1918) notamment. Il était dans une quête de transcendance perceptible dans cette sonate encore très romantique. Je m’imagine une nuit d’insomnie, de tourment passionné pour le premier mouvement. Le deuxième installe d’abord le calme d’un ciel constellé, toile de fond à laquelle il revient après une culmination lyrique et exaltée, digne d’une nuit d’amour. Le troisième est une cavalcade éperdue au rythme de tarentelle qui annonce d’ailleurs celle du diptyque Nocturne et Tarentelle. Par contraste, chez Fauré, la nuit est intérieure, plus intime. La surdité qui l’affecte au moment de la composition de sa Deuxième Sonate en 1916, m’évoque une opacité sonore, une « nuit acoustique ». Tout ne s’y révèle pas au premier abord, laissant l’impression de tâtonner en avançant dans l’obscurité. Cette musique suscite le besoin de la réécouter, de s’y acclimater. C’est alors seulement que le miracle se produit. Le déroutant devient évidence. À l’obscurité succède la clarté, et on finit par désirer ces errances comme on convoite un trésor.

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