LDV125

Comment appréhendez-vous ce flux typiquement fauréen ? Vers quoi va-t-il ? C’est un flux particulier : Fauré brouille souvent la métrique, dilue les phrases, va au-delà de la barre de mesure comme s’il voulait l’abolir. Il faut toujours aller dans le sens de son cours, que ce soit dans la fluidité, la passion, la lutte, l’apaisement. Le temps fauréen n’est pas mathématique, l’interprète peut s’y égarer. J’ai ressenti cette importance de toujours soutenir l’intensité du chant, la tension contenue dans les phrases d’autant plus grande lorsqu’elles sont lentes et piano. Les moments d’embrasement qui suivent la libèrent, provoquent un afflux d’oxygène. On voudrait rester à leurs sommets, mais il faut redescendre et trouver la quiétude, l’apaisement qu’apportent la plupart des codas. Fauré possède incomparablement cet art de finir. Que ce soit dans l’incandescence du Neuvième qui s’achève en apothéose comme la mélodie de La Bonne Chanson « Avant que tu t’en ailles », dans la sublime coda refermant le Douzième, ou dans le drame poignant et l’ultime souffle de la fin du Treizième Nocturne, dont la coda surpasse pour moi toutes les autres. Vladimir Jankélévitch, Fauré et l’inexprimable, Plon 1974 *Vladimir Jankélévitch, Le Nocturne, Albin Michel, 1957 13 THÉO FOUCHENNERET

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