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10 DEBUSSY ∙ MURAIL | RÉVOLUTIONS Peut-on parler d’un récit musical ? Je dirais que l’unité de style révèle le récit. C’est la marque d’un grand compositeur (comme chez un grand écrivain, d’ailleurs). L’écriture de Murail est onirique et rappelle par moment – avec les innombrables changements de couleurs et la spatialisation du son – l’écriture du dernier Scriabine. On pourrait presque évoquer une approche synesthésique de la musique, à l’instar du Prométhée du musicien russe ou bien de certaines œuvres de Messiaen (bien que Murail n’évoque pas directement cette approche). Pour présenter rapidement lesœuvres enregistrées ici, Impression, Soleil levant fait référence à la peinture éponyme de Claude Monet. Impressionnisme, assurément, mais sans chercher à copier quoi que ce soit. Mémorial est une œuvre conçue à la suite d’une visite au Mémorial de la Shoah, à Berlin. Les accords granitiques qui se superposent, descendent puis remontent vers le ciel et transmettent une émotion intense. Pièce brève, Le Misanthrope joue de brusques sautes d’humeur et de tempi inspirés tout à la fois de Molière et de Liszt. On pourrait presque parler de « mélodrame » teinté d’interrogations qui surgissent comme dans un monologue du compositeur avec lui-même. D’une écriture très virtuose, Rossignol en amour utilise des chants d’oiseaux qui ont été préalablement analysés par ordinateur. La signature harmonique de Tristan Murail est unique. Il place la beauté de la musique et du discours au premier plan. C’est l’émotion qui prime grâce à une maîtrise souveraine de l’écriture.
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