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12 RAVEL ∙ L'ŒUVRE POUR PIANO SEUL Ravel a orchestré les Valses nobles et sentimentales comme bon nombre de ses œuvres. La couleur pianistique ravélienne appelle-t-elle la couleur de l’orchestre ? Certainement, y compris dans les œuvres qu’il n’a pas orchestrées. Debussy, tout comme Chopin auparavant, explore toutes les ressources harmoniques et les couleurs du piano en tant que tel. Ravel, en héritier de l’esprit de Liszt, donne l’impression de vouloir dépasser l’instrument. La filiation est évidente dans les Jeux d’eau , Gaspard de la nuit , certaines pièces des Miroirs . Écoutez les Feux follets - ce que Ravel conseillait souvent - et Ondine : dans les dernières mesures les tonalités sont différentes mais l’harmonie des derniers traits est parfaitement identique ! Quant à Scarbo , la dialectique de ses deux thèmes contrastés, sa virtuosité diabolique, la violence et l’acidité de ses notes répétées qui viennent interrompre le lyrisme, le prennent à la gorge, ne rappellent-elles pas la première Mephisto-Valse ? Entre Ondine et Scarbo , Le Gibet est une pièce mystérieuse, un univers entre deux, un paysage minéral où la vie a disparu, dont nous sommes les spectateurs. Avec son inexorable glas, ce Si bémol inexpressif, hypnotique, elle évoque la mort mais loin de la manière du poème qui l’inspire : sommes-nous horrifiés ? De la même façon que la Barque sur l’océan me paraît vide, seule, Le Gibet est là, devant nos yeux, mais le pendu est-il toujours au bout de sa corde ?
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