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8 RAVEL ∙ L'ŒUVRE POUR PIANO SEUL Le terme « expressif » apparaît de façon récurrente dans les partitions de Ravel. Comment le pianiste se doit-il de le traduire musicalement ? Ravel l’emploieconstamment. Dans ladeuxièmedes Valsesnobleset sentimentales , il précise même « avec une expression intense ». Il attache manifestement une importance de premier ordre à ce que doit apporter l’interprète en la matière, bien qu’il ait souvent lancé comme une boutade « n’interprétez pas ma musique, contentez-vous de la jouer ! ». Cependant, quoi qu’il réclame par ce terme, il reste lui-même, et sa pudeur légendaire interdit tout étalage d’états d’âme. Sa musique est comme lui, d’une grande tenue. Cette pudeur, la minutie de l’écriture, la rigueur et parfois même une forme d’ascèse cohabitent souvent dans ses œuvres avec une grande sensualité. Quelle importance attachez-vous à cette dimension ? Ravel était un personnage très secret, qui se refusait toute effusion sentimentale. On parle parfois de sa pudeur comme s’il ne livrait rien. Mais sa musique trahit une sensibilité à fleur de peau qui s’exprime entre les lignes : avec cette immense pudeur, l’air de ne pas y toucher, il y dévoile des choses intimes, souvent au travers de prismes, comme celui des Miroirs par exemple. Il y a cette sensualité si manifeste dans ses œuvres orchestrales, dans Daphnis et Chloé , Shéhérazade , le Bolero , et jusque dans La Valse sombre et tragique qui nous emporte dans ses vertiges. Je la retrouve dans sa musique pour piano, dans Ondine , mais aussi dans les arpèges de Jeux d’eau et dans les Valses nobles et sentimentales . Celles-ci ont une exquise sensualité, sublimée par leur suprême élégance.

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