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11 MICHEL DALBERTO Liszt refusa presque systématiquement d’enseigner la Sonate à ses élèves, arguant qu’elle était trop personnelle. Comment percevez-vous cette dimension autobiographique de la partition ? Il est vrai que Liszt n’a donné aucune indication, ce qui est, paradoxalement, assez révélateur. Pourtant une bonne analyse de l’œuvre permet de comprendre certaines origines. Observez les deux premières gammes descendantes de l’œuvre. Elles reposent chacune sur un mode différent. La première gamme (de 0’05 à 0’13) est construite sur le mode dorien utilisé dans la musique religieuse, et la seconde (de 0’19 à 0’28) sur le mode hongrois ou tzigane. La foi et la dimension politique, sinon patriotique – Liszt a certes peu connu son pays d’origine mais il était extrêmement attentif à ce qui s’y passait –, représentent les deux piliers sur lesquels se déploie la Sonate. Ces gammes descendantes sont redonnées avant le Fugato (de 18’39 à 19’04) puis à la toute fin (de 29’01 à 29’22) comme pour s’assurer de la solidité des fondations de l’architecture. Anton Bruckner reprendra ce même principe dans sa Cinquième Symphonie . Autres éléments d’analyse : le mouvement lent ou deuxième mouvement de la Sonate est un Lied , une des formes les plus simples de la musique. Par cela, Liszt veut exprimer sa foi mais une foi très simple, sans complication. Bien sûr la tentation va rapidement revenir et il y aura une âpre lutte entre les deux. Pourtant la fin de la Sonate, calme et consolante, semble nous indiquer qu’il a choisi son camp. Ce Lied débute par une formule cadentielle terminale : Liszt veut-il nous dire que, pour lui, la prière est quelque chose de final ?
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