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10 POÉTESSES SYMPHONIQUES Chez Lili Boulanger et Betsy Jolas, la frontière entre musique pure et œuvre à programme devient presque impossible à tracer. Les titres de leurs ouvrages semblent annoncer qu’elles sondent l’affect particulier d’un instant : un moment de la journée ou une saison. Pourtant nulle autre explication ne sera fournie pour préciser l’histoire contée par l’orchestre. Fonctionnant en miroir, D’un soir triste et D’un matin de printemps (1918) travaillent un même matériau thématique, rythmique et harmonique pour évoquer deux facettes de leur compositrice. Ces pièces pour orchestre, issues de partitions pour ensembles de chambre (duo ou trio), pourraient exprimer l’état d’esprit changeant d’une jeune femme de 24 ans se sachant condamnée par la tuberculose. À l’effroi face la mort répondraient la vitalité de la jeunesse et l’espoir d’un renouveau, incarné par le printemps. Souhaitait-elle ici la fin de la Grande Guerre ? Rêvait-elle d’une guérison ? Pensait-elle à la reconnaissance que les compositrices françaises avaient conquise, à travers son prix de Rome de 1913 ? Ces partitions la placent en tout cas – stylistiquement et idéologiquement – au seuil d’une nouvelle modernité, aux côtés de Claude Debussy qu’elle précédera de dix jours dans la tombe.

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